Les établissements d’éducation adaptée ou spécialisée sont pour beaucoup passés d ‘une « logique de placement et d’accueil » à une « logique de service et d’aide à l’intégration ».

Quelles sont les implications professionnelles d’un tel changement pour un directeur d’établissement d’éducation spécialisée ?

Vous vous appuierez sur l’analyse d’un ou plusieurs exemples et sur les informations dont vous disposez dans ce domaine.

 

 

 

 

 

 

Quelques remarques de Monsieur Philip (liste incomplète):

 

-          Le sujet est mal écrit : on a, en première phrase, un choix d’établissement qu’on ne peut plus faire au final. Il faut donc traiter le sujet à partir d’un établissement d’éducation spécialisée.

-          A travers les 2 logiques présentées, ce qui est en jeu ce sont les relations de l’institution avec le public (et les familles) qu’elle accueille .

-          Il faut bien repérer le moment du passage d’une logique à l’autre, non pas localement, mais dans les textes législatifs et réglementaires.

-          Ce sujet nécessite qu’on fasse référence aux textes réglementaires, mais également à d’autres lectures.

Ce passage d ‘une « logique de placement et d’accueil » à une « logique de service et d’aide à l’intégration » va  changer la référence et la pratique dans le projet institutionnel, l’organisation de l’institution et les partenariats.(cf. les travaux de J.R. Loubat)

 

 

Plan :

Introduction :

La logique de placement et d’accueil :

Des associations souvent « charitables »

Exclure… :

…pour protéger.

Dans une logique de placement, la référence c’est l’établissement.

La logique de service et d’aide à l’intégration :

Les circulaires de 88 et 89 rénovant les annexes XXIV :

La logique de service et d’aide à l’intégration est un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur.

Dans une logique de service et d’aide à l’intégration, la référence c’est la personne.

Les implications professionnelles :

Les collaborations internes :

- Le projet d’établissement

- Une équipe de direction

- Création de SESSAD

- Faire évoluer le personnel vers des partenariats

Les partenariats externes :

-         Professions médicales et paramédicales en libéral (possibilité de la double tarification, depuis le décret budgétaire 2003-1010 du 22/10/03)

-       Les  établissements scolaires (notamment par les CLIS, UPI, SESSAD)

-         Restructuration des établissements, mise en réseaux.

-       Les élus locaux (le problème du transport, l’implantation de lieux d’hébergement…)

-         Insertion dans un bassin d’emploi

Conclusion :

Textes réglementaires

 


Introduction :

Les établissements d’éducation spécialisée sont pour beaucoup passés d ‘une « logique de placement et d’accueil » à une « logique de service et d’aide à l’intégration ».

Des textes réglementaires, suivant l’évolution des attentes de la société, ont imposé un changement des points de vue et des pratiques concernant la prise en charge des enfants et adolescents en situation de handicap.

Après avoir explicité ces deux logiques, nous essaierons d’analyser les implications professionnelles d’un tel changement  pour un directeur d’IME.

La logique de placement et d’accueil :

Volonté  du gouvernement de Vichy de s’occuper de toute la jeunesse. Cela comprend les jeunes handicapés.

Des associations souvent « charitables »

Après guerre, de nombreuses associations voient le jour. Elles héritent souvent de vastes demeures le plus souvent à la campagne. Les actions  de ces associations étaient le plus souvent fondées sur une vision caritative de la prise en charge du handicap .

Exclure… :

mouvement de l’extérieur (la société, le monde, la famille parfois considérée pathogène) vers l’intérieur (l’établissement)

…pour protéger.

L’enfant est placé dans une institution où il trouvera tout ce dont il a besoin. Il y est accueilli « du berceau à la tombe ». L’institution, souvent mue par des mobiles caritatifs, décharge les parents.

            « …un univers fonctionnant selon des modèles familiaux et communautaires et reposant sur une doctrine que nous pouvons appeler « l’hospitalisme compassionnel », issue de la saynète emblématique de Saint Martin partageant son manteau et concrétisée par Saint Vincent de Paul. Le fondement caritatif de l’action sociale et médico-sociale s’est perpétué par l’accueil de populations réputées « démunies » dans des conditions que l’on jugeait bonnes pour elles, et selon des objectifs également définis de façon unilatérale, s’inspirant de divers courants philosophiques, pédagogiques, cliniques ou sociologiques. La doctrine de base et les références ne faisaient alors l’objet d’aucune véritable négociation avec les principaux intéressés. » [1]

Dans une logique de placement, la référence c’est l’établissement. C’est la logique prévalente dans le cadre de l’éducation spécialisée comme option et modèle d’action.

 

Passage à une logique de service et d’aide à l’intégration :

Par des textes importants (loi d’orientation en matière d’éducation du 10/07/1989 et nouvelles annexes XXIV) le législateur entend opérer un changement profond dans les établissements d’éducation spécialisée, tant au niveau de leur organisation que de leur fonctionnement.

Les circulaires de 88 et 89 rénovant les annexes XXIV :

précédent ou suivent de près la loi d’orientation sur l’éducation (pour tous) de 89, et prennent en compte la demande de plus en plus pressante des familles qui souhaitent garder leurs enfants auprès d’elles.

Création des SESSAD, SEFIS, SAFEP, SAAAIS pour favoriser l’intégration scolaire.

Les familles sont associées à l’élaboration du PPET (Projet Pédagogique, Educatif et Thérapeutique), lequel est réévalué régulièrement. Elles sont également accompagnées dans les différentes étapes de la prise en compte du handicap de leur enfant.

Maintien de l’enfant, le plus possible, dans son milieu de vie ordinaire.

 

La logique de service et d’aide à l’intégration est un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur.

Ce n’est plus l’enfant qui est placé dans un établissement, mais l’établissement qui va au plus près du lieu de vie et d’étude de l’enfant

Dans une logique de service et d’aide à l’intégration, la référence c’est la personne.

 

Les implications professionnelles :

Les principales innovations de ce changement de logique sont :

-          la territorialisation (le rapprochement)

-          l’accompagnement de l’enfant, voire de la famille.

-          l’aide à l’intégration scolaire 

La mise en œuvre de ces changements peut occasionner des « restructurations » (cf  loi 2002-2, articles 20 et 21), mais surtout des changements de pratiques professionnelles que le directeur devra savoir accompagner tant en interne qu’en externe, notamment par une bonne connaissance des textes régulièrement actualisés.

Il doit également connaître les phénomènes de  résistance à l’innovation afin de les anticiper, ou tout au moins de ne pas être bloqué dans les évolutions.

 

Les collaborations internes :

De tels changements ne peuvent s’opérer que dans le temps et nécessitent que le directeur mette en place  les moyens de la réflexion et de l’action : la logistique.

- Le projet d’établissement

Il doit pouvoir fixer collectivement, dans le respect des textes réglementaires, les objectifs à atteindre, les moyens mis en œuvre et les critères d’évaluation.

Il peut favoriser le travail en équipe pluri disciplinaire, centrée sur l’enfant ou l’adolescent, chacun gardant sa spécificité.
La réflexion et l’écriture du projet d’établissement doit permettre l’appropriation de notions :

droit de l’usager 

Notion de « PPET » négocié, et évalué, tant que faire se peut avec l’intéressé, sa famille étant associée,

Accompagnement des familles

Intégration scolaire (voire « droit à l’éducation »)

Intégration professionnelle

Intégration sociale et culturelle

- Une équipe de direction

Le directeur doit être capable de déléguer à des adjoints, à des chefs de services.

- Création de SESSAD

Complexification de la gestion .

- Faire évoluer le personnel vers des partenariats

Le personnel des établissements d’éducation spécialisés devra être capable de travailler en partenariat avec d’autres professionnels, avec les familles considérées comme possédant des compétences.

Les partenariats externes :

-          Professions médicales et paramédicales en libéral (possibilité de la double tarification, depuis le décret budgétaire 2003-1010 du 22/10/03)

-          Les  établissements scolaires (notamment par les CLIS, UPI, SESSAD)

-          Restructuration des établissements, mise en réseaux.

Analyse de l’impact sur la gestion du personnel et des conséquences au niveau de l’ambiance générale de l’établissement

-          Les élus locaux (le problème du transport, l’implantation de lieux d’hébergement…)

-          Insertion dans un bassin d’emploi

Conclusion :

Une quinzaine d’années après la loi d’orientation et la rénovation des annexes XXIV, est-on sûr que les établissements d’éducation spécialisée soient pour beaucoup passés d ‘une « logique de placement et d’accueil » à une « logique de service et d’aide à l’intégration » ?

Jean René LOUBAT, à propos de  la réactualisation des annexes XXIV, écrit :

« ce texte précurseur fit certes beaucoup parler de lui et provoqua de l’agitation, mais ne fut que bien modérément mis en œuvre. Si certains établissements s’en emparèrent résolument dès sa parution, d’autres n’ont toujours pas bronché et persistent et signent dans leur faux-semblant. La conclusion de tout cela est que les changements aujourd’hui nécessaires n’apparaissent que plus massifs pour ceux qui ne s’en sont pas réellement préoccupés, que les écarts se creusent terriblement entre les établissements à la pointe de l’innovation et ceux qui traînent les pieds à la moindre exhortation…et qu’un texte, non assorti de moyens de rétorsion, ne peut par sa seule intelligence générer un changement effectif et global.

Cependant, pour peu que l’on prenne quelque recul, nous pouvons nous apercevoir que les secteurs social et médico-social se trouvent certes tiraillés entre des courants et des sensibilités différentes, mais que, somme toute, un grand nombre de leurs professionnels s’avèrent préoccupés par des avancées techniques, des questions éthiques et des innovations méthodologiques. Nous pouvons simplement regretter que ces avancées ne soient pas suffisamment valorisées et médiatisées. En somme, il est des établissements qui effectuent avec bonheur leur évolution et d’autres qui s’enferment dans de pseudo-certitudes ou des positions intenables : jusqu’où  iront-ils dans l’impasse ? Le risque est évidemment de voir se dessiner un travail social à deux vitesses…A ce titre, une démarche d’accréditation constituerait un moyen de dresser un état des lieux du paysage et de tenter de réduire les écarts, ou bien alors de les entériner et d’en tirer un certain nombre de conclusions. »1


 

Textes réglementaires

Ø       Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 : loi d’orientation en faveur des personnes handicapées

Art. 1 : La prévention et le dépistage des handicaps, les soins, l’éducation, la formation et l’orientation professionnelle, l’emploi, la garantie d’un minimum de ressources, l’intégration sociale et l’accès aux sports et aux loisirs du mineur et de l’adulte handicapés physiques, sensoriels ou mentaux constituent une obligation nationale.

(…) d’assurer aux personnes handicapées toute l’autonomie dont elles sont capables.

(…) l’accès du mineur et de l’adulte handicapés aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et leur maintien dans un cadre ordinaire de travail et de vie.

Ø       Circulaire n° 82/2 et n° 82-048 du 29 janvier 1982 : mise en œuvre d’une politique d’intégration en faveur des enfants et adolescents handicapés

Ø       Circulaire n° 83-082 et 3/83/S du 29 janvier 1983 : mise en place d’actions de soutien et de soins spécialisés en vue de l’intégration dans les établissements scolaires ordinaires des enfants et adolescents handicapés ou en difficulté en raison d’une maladie, de troubles de la personnalité ou de troubles graves du comportement

Ø       Décret n° 88-423 du 22 avril 1988  et décret n° 89-798 du 27 octobre 1989 remplaçant les annexes XXIV au décret du 9mars 1956 modifié

Création des SESSAD (Annexes XXIV et XXIV ter),des SAFEP et SEFIS (annexes XXIV quater), des  SAFEP et SAAAIS (annexes XXIV quinquiès) .

Ø       Loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 : loi d’orientation sur l’éducation

Ø       modification des conditions de la prise en charge des enfants ou adolescents(…) par les établissements et services d’éducation spéciale. : circulaire n° 88-09 du 22 avril 1988 (déficients sensoriels), circulaire n° 89-17 du 30 octobre 1989 (enfants et adolescents déficients intellectuels ou inadaptés), circulaire n° 89-18 du 30 octobre 1989 (handicapés moteurs), circulaire n° 89-19 du 30 octobre 1989 (polyhandicapés)

extraits de la circulaire n° 89-17 du 30 octobre 1989 (enfants et adolescents déficients intellectuels ou inadaptés) :

-          Introduction :« …, la façon même d’appréhender le handicap ou l’inadaptation des enfants ,le souci de plus en plus pressant d’un nombre croissant de familles de garder près d’elles leurs enfants rendaient nécessaire une modification des textes régissant les conditions d’autorisation des établissements. »

-          II 2 : La famille « doit être associée aux différentes phases du projet individuel pédagogique, éducatif et thérapeutique, c’est à dire à son élaboration, à sa mise en œuvre, à son suivi régulier et à son évaluation. »

-          II 3 : « La famille doit être soutenue. L’annexe XXIV fait figurer parmi les missions de l’établissement ou du service l’accompagnement de la famille et de l’entourage habituel de l’enfant. »

-          II 4 : « On recherchera, chaque fois qu’il n’y aura pas de contre-indication, à maintenir l’enfant dans sa famille. »

-          IV : « Conforter la mission d’intégration scolaire du SESSAD »

Ø       Loi n° 2002-2 du 2janvier 2002 , rénovant l’action sociale et médico-sociale

Chapitre 1er, section 1, Art. 5, 4° (Art. L311-1 du code de l’action sociale et des familles)
« Actions d’intégration scolaire, d’adaptation, de réadaptation, d’insertion, de réinsertion sociales  et professionnelles, d’aide à la vie active, d’information et de conseil sur les aides techniques ainsi que d’aide au travail. »
                                                  
6° : « actions contribuant au développement social et culturel, et à l’insertion par l’activité économique »
                        section 2, Art. 7, 3° :(L311-3) : « Une prise en charge et un accompagnement de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché. »
                                                    7° : « La participation directe ou avec l’aide de son représentant légal à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil et d’accompagnement qui le concerne. »

Chapitre II, section 4, Art. 21 (L312-7) :

« Afin de favoriser leur coordination, leur complémentarité et garantir la continuité des prises en charge et de l’accompagnement, notamment dans le cadre de réseaux sociaux ou médico-sociaux coordonnés, les établissements et services (…) peuvent :

-          conclure des conventions entre eux, avec des établissements de santé, avec des EPLE ou des établissements d’enseignement privé.

-          Créer des groupements d’intérêts économiques et d’intérêt public…

-          Créer des syndicats inter établissements ou des groupements de coopération sociale et médico-sociale…

-          Procéder à des regroupements ou à des fusions



[1] LOUBAT J.R. (2002), Instaurer la relation de service en action sociale et médico-sociale, Paris, Dunod.